Lundi passé, j'allais sans trop de motivation à la déchetterie... J'étais assez loin de me douter qu'un complot se tramait dans les limbes. "Ah ! Morbleu ! Enfin ! La Dacia pourrite, mon heure est venue ! " Ainsi s'exprimait l'esprit du moine errant connu sous le nom de Balthazar d'Auguy. Moine copiste, banni des cieux pour cause de curiosité mal placée, son esprit condamné à errer sans but, jusqu'à ce que soient réunis les objet suivants : une benne à papier / une Dacia pourrite / Plusieurs coeurs tendres. "Vite ! La benne à papier ! Pourvu qu'aucun de ces païens ne me voient !" "Zou, réincarnation allumée ! ça va picoter!... ouuuh MIA MIA MIA MIAAAAAA !" Et voilà. Lorsque j'ai vu l'employé de la voirie ( coeur tendre numéro 1 ) sortir de la benne avec un panier miaulant à la main, j'ai pas pu m'empêcher d'aller y jeter un coup d'oeil. Et ensuite, j'ai proposé d'emmener le chaton chez le vétérinaire ( coeur tendre numéro 2, c'est moué oui ! ). Après l'avoir examiné, fait faire pipi, réclamé une bouillotte ( lui* et son assistante sont les coeurs tendres numéros 3 et 4 ), il m'a dit : "Bon, il n'y a pas 36 solutions !". Alors j'ai dit "Je le prends ! " Et tout s'est enchaîné. En quelques instants j'ai tout su sur les biberons et les premiers soins pour chatons. (*Il est ici représenté sous la forme d'un ours, ça lui va bien je trouve. Je ne me moque pas, c'est mon vétérinaire préféré ! Allez voir son site ici ) Et comme il l'examinait, on a remarqué une drôle de blessure sur le crâne. "On dirait une tonsure !" j'ai dit. ("HAHAHA ! ") "Blessure de naissance, a dit le véto. C'est rare, mais ça arrive." Ensuite, comme je faisais remarquer que ce chaton avait de la chance d'avoir été trouvé aussi vite, il a dit "Parfois, c'est pas tout à fait un hasard..." Voilà, ni une ni deux, je suis retournée au Bois-Girard 32 avec un nouveau locataire. On s'y est assez vite tous mis. Préparer le biberon, contrôler qu'il ne soit pas trop chaud. Nettoyer, gratouiller, nettoyer encore, redonner à manger, peser, câliner, laisser dormir au chaud... Il semble tout à fait satisfait la plupart du temps. Nous sommes sous le charme. "Sauvé ! Balthazar d'Augy est mon nom ! ... C'est curieux, on dirait que ces gens ne comprennent rien à mes miaulements."
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Autre chose que j'ai faite pendant cette période : profiter pleinement des jours de congés. Parce que voilà la blague, je n'ai pas arrêté de bosser en fait. Du coup, lorsque venait le vendredi soir !!! C'était la fête ! Un coin de canapé et c'est parti ! Décrochage, débranchage, déconnectage, c'était pas si simple au début. ( Souvenez-vous, la charge mentale ! ) Et ça m'arrangeait bien qu'on ne puisse voir personne, parce que c'est la base du principe. Dans mon cas, je précise, d'aucuns débranchent quand ils sont en groupe, moi clairement pas. D'aucuns ont besoin de s'évader, de s'ébaubir devant de nouveaux horizons. Mon duvet me suffit amplement ( j'aime son odeur familière ). Mon animal fétiche ? L'escargot. Gastéropodes, mes amis, me voici. Dans ces moments de repli, j'ai le même sens de la conversation, la même simplicité, ce détachement caractéristique, cette énergie, cette ténacité ! Je suis ! Enfin, lire ! Enfin, savourer ! Enfin, glandouiller ! Il m'aura fallu, une pandémie et un surcroît de travail invraisemblable pour m'y résoudre.
Juste sous mes yeux, il y a un grand tilleul. Et, qu'ai-je fait pendant cette période bizarre ? je l'ai observé un peu tout le temps. Un couple de Ramiers y a fait son nid. Toute la journée, on les entend discuter. Ce sont de gros pigeons qui ont un plumage qui a l'air tout doux, couleur galet-de-rivière. Ils sont un peu maladroits, ils me regardent avec leur oeil tout rond ( un seul oeil à la fois ). Ils font une quantité d'aller-retour pour nourrir la nichée. Sans cesse, j'entends bruisser le feuillage, claquer leurs ailes. Quel boulot ! A force de vivre avec eux, je peux sans trop de problème, m'y croire. "Alors, aujourd'hui ver de terre ou punaise ? J'ai une bonne recette de punaise au gratin dans mon livre-là. Vite fait, nourrissant." Au jardin passe en pétaradant un joli coléoptère. Je suis entrain de gratouiller dans les radis. Mais, ma parole, c'est le Cétoine doré, j'ai fait un exposé dessus quand j'étais à l'École Normale ! Vite ! Ciao la compagnie ! Je file en commissions ! Je ramène du lait et des boîtes de tomates ! Etc etc. Chaque petite bébête se laisse admirer. Donc, qu'ai-je fait ? Je me suis sentie absorbée par mon environnement. Parfois, j'aimerais me fondre dedans complètement et laisser les sordides histoires humaines de côté. Pas vous ?
Donc, disais-je, qu'ai-je fait ? Et bien, j'ai ouvert notre maison aux amoureux.reuses et proches de mes enfants. Et ça a commencé par m'inquiéter, faisais-je juste ? Était-ce bien le moment d'agrandir le cercle familial proche ? Mais tout s'est bien passé, nous avons la chance d'avoir une grande maison, plein d'endroits où pouvoir s'installer sans s'entasser les uns sur les autres. Nous avons fait de la place sur notre terrasse... Nous avons ajouté des chaises autour de la table, c'était facile. Et nous nous sommes mis à cuisiner des tonnes de repas, petits déj, goûters, apéros, souper etc. Et c'était chouette pour moi ces moments tous ensemble. Je ne sais pas pour vous, mais j'aime bien cette ambiance cuisine. C'est universel non ? Le foyer ? C'est comme ça qu'on dit. Un lieu où on est dans les odeurs, les sons, les textures, les bruits. Donc qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai profité de notre douillette cuisine ( et je profite encore ). Amour sur vous les amoureux.reuses et les po-potes, revenez quand vous voulez !
Avec Hans on s'est fait un petit thé, et on a discuté. Enfin surtout moi. Alors voilà, c'est l'heure des comptes un peu. Qu'est-ce qui a changé, qu'est-ce qui va changer ? Au début de la crise, j'ai eu des moments de pure euphorie. Enfin ! Cette agitation, ce gaspillage des ressources, ce pillage de la nature se calme. Enfin ! Il va y avoir comme une prise de conscience collective, nous respirons le même air, nous sommes sur la même planète, prenons-en soin ! Et je voyais de larges horizons dans la lumière du soir, c'était beau et inspirant. Et assez rapidement, ma charge de travail est devenue énorme. Organiser, contacter, mettre en lien, informer, convaincre. Parce que ce qui n'a pas changé, c'est ma nature profonde, si je peux aider, j'aide. Si je dois travailler, je travaille. Si je dois recommencer je recommence. Et la nature profonde de mes contemporains n'a pas changé non plus, ceux qui sont désagréables le restent. Il y a des choses qui se passent. Lorsque je reçois le téléphone d'une personne âgée ( ici représentée sous la forme d'une charmante souris ) et que je note scrupuleusement sa liste de courses pour la transmettre à un bénévole. Je l'entend se détendre au fur et à mesure que l'on cause des sortes de fromages, des litres de jus d'oranges et d'autres drôleries. Mais, comment dire, c'est sans surprise, les personnes ont besoin d'être en lien ! Les enfants ont besoin de jouer avec d'autres, les parents de parler, les résidents des EMS de voir leur famille. Une partie de mon travail a été d'essayer de préserver ces liens entre les gens et de parfois d'en créer de nouveaux. Mais nous sommes en lien, qu'on le veuille ou non. Souvenez-vous : le même air, la même planète ! Est-ce qu'il faut une crise pour se rendre compte de cela ? Finalement la question, c'est surtout qu'est-ce qu'on fait ? Pas qu'est-ce qu'on dit, pas qu'est-ce qu'on dessine, mais qu'est-ce qu'on fait quand c'est la crise. Qu'est-ce que j'ai fait ? Et voilà, pour moi, cette crise, c'est comme se retrouver à l'entrée d'une énorme, gigantesque, méga bibliothèque avec beaucoup de temps devant soi. Tout est à lire, tout est à découvrir et à inventer ! Et j'ai le curieux sentiment d'avoir été que dans les rayons connus et ouvert des livres que j'avais déjà lus. Peut-être que la bonne surprise viendra... Serait-ce le moment d'entonner un petit air mélancolique à la cornemuse ? Hans ne s'en prive pas...
Alors, où en étions-nous ? Ah, voilà... qui va être le messager qui va déboucher du Bois-Girard pour venir nous abreuver de sagesse ? Déjà, un œil perçant nous dévisage entre les feuillages. Et le voici qui sort et contemple la prairie et notre maison à ses pieds. Un hérisson ! me direz-vous. Oui, certes, mais pas n'importe lequel ! Il s'agit de Hans-mon-hérisson, celui de l'histoire, du conte de Grimm. Celui qui vit au fond de la forêt et qui élève des cochons et des ânes. Celui qui joue de la cornemuse à tout vent ! Et lorsqu'il se déplace, il saute à califourchon sur ... Sur ? Son coq voyons ! Nous lui avons trouvé un nom "Lico". Le coq Lico ! Haha ! Même qu'il a des armoiries à son image Hans-mon-Hérisson. Et voici qu'il sonne la charge et que débouche à la lisère une marée de cochons à demi-sauvages et d'âne hurlants. Tous se précipitent vers la maison, il nous encerclent, menaçants. Majestueux, sur son coq, Hans-mon-Hérisson s'avance et il s'adresse à nous en ces termes : "... heu... hem... bon..." C'est là que je flanche car vraiment, je ne sais pas quoi faire de ce personnage de son message. J'aimerais qu'il me dise ce qui va se passer après, comme tout sera mieux, comment nous allons redevenir respectueux de notre environnement, respectueux de ce qui n'est pas nous. Mais, je n'ai pas trouvé les mots. Alors en attendant, il joue de la cornemuse, assis sur une pile de livres, pendant que le café chauffe et que la lumière se fasse.
Vu avez peut-être lu cette nouvelle, l'Himalaya est à nouveau visible depuis la plaine, ça faisait 30 ans que ce n'était pas arrivé. Les nuages de pollution produits par le trafic et les usines obstruaient le ciel. Et c'est comme ça que l'horizon a disparu, ou plutôt s'est modifié. La reine des montagnes est restée cachée. Les habitants d'en bas l'ont oubliée. Et un jour, en ouvrant leurs fenêtre, la revoilà ! Quel saisissement ! Ils croyaient le ciel vide et bouché mais non, il y a cette ENORME présence qui les observe d'en haut. Et comme c'est là que se trouvent les plus hauts sommets de la planète, ça doit être assez impressionnant de voir apparaître le dessin des cimes dans le ciel. D'ailleurs les Tibétains savent quelles sont les danses et les rituels pour que la vie dans la montagne soit douce. Et si l'on en croit les masques qu'ils ont sculptés, les démons qui l'habitent ne sont pas aussi jouasses qu'on pourrait le croire. Et maintenant, que dire ? 30 ans qu'elle est enfumée par les gaz d'échappement et autres saletés, cette souveraine des neiges éternelles. 30 ans que personne ne l'admire. Si j'étais elle, j'enverrai un émissaire chez les hommes pour les remettre un peu à l'ordre. Genre : "Et hop, maintenant qu'il fait clair, j'envoie le maxi-yak dans vos villes ! Tremblez humains !" L'humain se rendrait compte de sa bêtise, et... En fait, je pense qu'on ne fait pas mieux que les l'Asie avec l'Himalaya, nous, Européens donneurs de leçons. Je réfléchis à quel type de bête mystique pourrait descendre du Bois-Girard pour me faire la leçon. Suite au prochain numéro...
Je me suis souvenue d'un petit reportage sur Kazuo Iwamura, l'inventeur de la famille souris. Albums pour enfants que je vénère. ( Il ne ressemble absolument pas à cela, d'ailleurs... Pardon Kazuo de t'avoir transformé en petit pépé à lunettes ) Mais bref, il raconte qu'il aime se mettre tout près du sol et qu'il observe attentivement. Ensuite, il dessine avec soin les histoires qui viennent. Ces espaces se remplissent de petits événements qui en amènent d'autres. Et de fil en aiguille, on a le bonheur de pouvoir se plonger dans les aventures de souriceaux qui bricolent des trucs, grimpent sur des arbres immenses, transportent de gigantesques brins d'herbe. Dans cette situation de crise mondiale, j'aimerais bien qu'il se penche sur certains coins de la planète et qu'il nous invente la suite. Je suis à court d'imagination. Qu'est-ce qui va rester dans nos habitudes, qu'est-ce qui va changer ( qu'on le veuille ou non ) ? Qu'est-ce que ça va être, l'histoire ? Dans l'immédiat, café.
Enfin, du calme et pas de boulot, pas d'urgences, pas de téléphones... Je peux me plonger dans le bouquin qui m'attend depuis le 13 mars : "Chez soi, Une odyssée de l'espace domestique" de Mona Chollet. Elle y parle si bien de cet endroit tellement précieux. Et, à un moment, elle aborde le chapitre des cabanes. Alors j'ai pris le temps de revisiter mes anciennes cabanes. Je pense que c'était mon activité principale les jeudis et autres jours de congés. Même au centre-aéré d'été, rien n'était mieux que de pouvoir disposer d'un énorme tas de planches, de marteaux, de clous et de la liberté de construire n'importe où, n'importe comment, des cabanes qu'on passait un temps fou à améliorer et à décorer et qui finissaient par s’effondrer. On mangeait dedans (en cachette), on complotait et on cherchait sans fin l'astuce pour faire une porte ou un toit valable. Toutes ces constructions étaient d'autant plus réussies qu'elles étaient petites et confortables. Elles avaient toutes quelque chose du nid, du terrier. Le must étant de réussir à s'endormir dedans ! Assez récemment (avant qu'on passe dans le monde parallèle), j'ai mis à disposition des plus jeunes lecteurs de la bibliothèque, des bacs à linges, agrémentés d'un coussin, qui ont assez vite eu du succès. Et je comprends si fort le bonheur que c'est de se plier en 12, de se caler juste ce qu'il faut pour pouvoir ouvrir son livre préféré et le relire en se sachant caché.e. D'ailleurs j'y retourne.
En faisant une courte promenade avec Olive l'autre jour, nous avons fait une rencontre. Un renard qui nous observait depuis la lisière. Visiblement, les sauvages, c'était nous. Et c'est vrai que c'est saisissant cet échange de regard, yeux dans les yeux, avec un animal. Il semblerait que la diminution des déplacements d'humains fasse revenir les animaux. Comme si ils se souvenaient ( et nous aussi dans le meilleur des cas ) qu'on partage le même territoire. Que leur forêt, leur prairie, leur montagne ce n'est pas que le terrain de jeux des gens. Les animaux retrouvent (parfois) l'audace de nous défier. Par exemple, il y a un troupeau de chèvres sauvages qui a décidé d'arpenter les rues de la ville qui se situe en bas de sa colline. Mi casa es tu casa ! Ben quoi ! ( je ne crois pas que c'est un fake, je vais mettre le lien dans la page des conseils pas chers et sympathiques trucs ). Donc, nous avons imaginé quel serait la rencontre à faire. Par qui aimerais-tu être dévisagé ? Roland : une otarie. Joséphine : un panda. Simon : une loutre. Clément : un rhinocéros. Moi : tant qu'à faire, j'aimerais bien rencontrer le dieu Pan, ou l'Ami, comme lorsque Taupe et Rat se promènent pendant l'heure bleue, à la recherche du petit de Loutre. Mais oui, Le vent dans les saules ! Lisez-le ! Et Olive ? Hein ? Olive ? Olive : Ben toi, voyons ! OUAF !
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July 2022
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